La Furka pas contés!

Le bleu Léman m’a vu naître et moi je le regarde vivre. Né d’une mer de glace, il est petit à petit devenu notre mère à tous. Il alimente les hommes et les rêves et tout autour de son pourtour il enfante tout. C’est donc pour me faire une idée du pays de la mer de ma mère que je me mets cette fois-ci en chemin.

Bien que partie à la fraîche d’Oberwald, je peine à trouver mon rythme. Les jambes sont encore lourdes des pas de la veille et la motivation reste coincée dans mes préjugés. J’imagine la première partie peu palpitante et la suite trop difficile. Toutes ces pensées mettent du plomb sous ma semelle.

C’est alors qu’une chapelle blanchie à la chaux, … C’est alors qu’un ponton de bois, … C’est alors qu’un impétueux torrent, …

Tous trois me rappellent à l’urgence de me jeter sans retenue dans un présent jouissif. Les philosophes New Age parlent à raison, d’être ici et maintenant mais moi je lui préfère la volonté de me rendre présente à moi-même.

Au-delà de l’effort qui ne s’estompe pas vraiment, l’émerveillement gagne en lumière et en fragilité poétique.

Je termine cette première partie qui s’annonçait rébarbative totalement enchantée. Tant de randonneurs ont du la zapper que je la chéris comme une pierre rare. C’était sauvage, riche, fleuri et quoi qu’on en pense, relativement technique ! J’envisage même de m’arrêter à Gletsch estimant mon quota quotidien de bonheur atteint et projetant l’avenir bien trop difficile.

Gletsch est comme une petite ville, avec ses bruits et son va et vient de véhicules en tous genres. La terrasse n’est pas complète mais suffisamment pleine de monde pour que l’envie de la dépasser terrasse – le verbe – l’envie de m’y attarder.

Accroché haut dans le ciel, se déroulant contre la montagne, juste au-dessus de la terrasse, un mur immense de grise pierre à la fois lisse et torturée me rappelle à cette histoire de mer de glace. Et nez en l’air, je poursuis presque machinalement mon chemin.

La suite s’avère moins difficile que prévu et les passages répétés d’une locomotive à vapeur et la présence persistante d’une marmotte sans gêne mettent de l’huile dans les rouages. Pour terminer, un raidillon d’une heure ! Il s’est montré si fleuri de raretés que seule ma rétine rougie de soleil garde la mémoire de cette montée impressionnante. Mes mollets et mon souffle, bien que sollicités un max ont fini par noyer leurs souvenirs entre les nombreux sommets de pierre et de neige étalés sous mes yeux.

Et ma mer dans tout ça ? J’étais si près si près que je l’entendais presque transpirer. J’ai vu son eau suinter de la roche, j’ai léché du regard son ventre gonflé et rêvé de sa langue granitée s’étirant comme un fleuve gelé… mais voilà, j’ai aussi vu, de loin certes, des fourmis roulantes de toutes les couleurs s’agglutiner devant l’Hôtel Belvédère, un bus plein passé pour le Furkablick… … Je crois qu’on appelle ces choses des voitures dans un parking et un car de touristes. Rien de bien grave, sauf pour une Madelon en vadrouille.

Alors, j’ai simplement crié Uri ! Uri ! Le cri de la victoire au Frukapasshöhe ! Et j’ai jeté brillamment mon dévolu sur Andermatt, de l’autre côté du col. Après quelques petits réglages d’organisation j’y déboulerai demain. Je quitterai ce bord de mer, en laissant la glace pour les enfants et les chauffeurs impénitents.

Galerie de photos à rebours des pas de la Furka
postées chemin faisant les 19 et 18 juillet 2015

8 commentaires

  1. Vraiment sympa ton texte…en le lisant on te suit sans problème dans ton « ascension » et la nature prend ses mille couleurs…bravo ( pour le texte et la montée au sommet du col!)

    1. Merci Christiane! Contente que tu aies lu mon texte et contente si il te va! Bonne suite et peut être sur les chemins à nouveau…. 😉

  2. Quelle parfaite maîtrise de ta langue, je te félicite. C’est une qualité devenue rarissime.
    Par contre le furkapass, j’ai plus tant envie de m’y arrêter . Avec Léo, mes parents leurs camping-car et nos 2 chiens, on va subir de plein fouet les processions de fourmis.

    1. Merci ^^
      Si quelqu’un se sacrifie pour garder les chiens et que c’est pas dimanche c’est pas pire qu’ailleurs probablement. … pour une Madelon en vadrouille c’est un sujet très très sensible …

      Furkablick ou Belvédère … pour les visites si jamais, c’est un peu en-dessous (côté VS) du sommet … 😉
      Bises

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