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Les trois frères

Dans la fratrie de mon père, ils étaient trois. Trois grandes gueules, politisées, de droite à gauche, et vice et versa dans l’ordre et dans le désordre comme le tiercé, en fonction de leur âge, de l’évolution du contexte géopolitique et des expériences de vie du trio. Par exemple, alors que le premier payait ses galons dans l’armée suisse, le second jetait des pavés à Paris et le troisième refusait de couper les cheveux qui dépassaient du képi parce qu’il était chanteur dans une communauté hippie.

S’en suivirent des Noëls enflammés où chaque année chacun des trois défendait son point de vue avec véhémence et acharnement.

Au fil des ans, sans jamais mettre d’eau dans leur vin, parce qu’ils aiment trop le vin, leurs avis se sont croisés sans jamais se rencontrer : le gradé s’est mué en défenseur des causes sociales et a été élu dans sa commune pour le parti socialiste, le Révolutionnaire est devenu chef d’entreprise et le cadet a fini par couper ses cheveux et faire dans l’immobilier.

C’est le joueur de guitare qui est parti en premier, puis mon père.

Le dernier des trois, c’est Gérard. Je suis allée le voir souvent ces derniers temps. On a parlé des Noëls chahutés, des caractères butés des Deppierraz, il m’a dit que je ressemblais à sa grand-maman Lina. Que je n’ai pas connu. J’ai jamais su quelle brouille était à l’origine de la mise à l’écart de Lina. Décédée en 1968 seulement, j’aurai du la rencontrer, je suis née en 1963. Il paraît que toutes les générations de Deppierraz qui se sont succédées se sont disputées, c’est fou ça. Elles se sont disputées sans jamais se faire de crasse, elles se sont séparées sans se déchirer, elles se sont éloignées sans jamais cesser de s’aimer. Il a dit que nous étions des gens qui ne savaient pas composer avec la vie. Mais que nous aimions la vie. Puis il a cessé de parler, il était fatigué. Vendredi je me suis serrée contre lui, sur ce lit d’hôpital à Cully. Des trois frères c’est celui qui me comprenait le mieux.

Si je vous parle de ces trois frères aujourd’hui c’est que hier, samedi, Gérard est parti rejoindre ses frangins.

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#ExitFacebook ! Hello #mastodon

Pourquoi j’ai choisis Mastodon ?
Parce qu’il fonctionne de manière décentralisée et qu’il n’utilise aucun algorithme.

Et pourquoi j’ai abandonné dans un premier temps ?
Parce qu’il fonctionne de manière décentralisée et qu’il n’utilise aucun algorithme.

Ouais, je sais c’est compliqué. Et on n’a pas envie de se prendre la tête avec ce qui finalement n’est qu’un loisir.

On se laisse vider la tête et on se croit imperméable aux eaux brunes jusqu’à croire que toute cette bave nous glisse dessus comme sur les plumes d’un canard.

Il ne fait plus aucun doute qu’une nouvelle sorte de dictature se met en place de l’autre côté de la Grande Gouille et que les techno-fachistes sont aux premières loges.

Mastodon est décentralisé.
Comment expliqué vite fait ?

Mastodon c’est la Conf qui chapeaute. Les 10 000 serveurs se sont les cantons qui légifèrent. C’est comme la Suisse finalement j’ai pas besoin de vous faire un dessin sur les avantages démocratiques que cela peut représenter.

Mastodon n’a pas d’algorithme.
Alors imaginez deux minutes ce que ça fait de débarquer dans une Suisse à 10 000 cantons et que la première question qu’on vous pose est : dis vouaaaaar… dans quel canton tu veux déposer tes papiers didon ?

Pas facile quand on ne connait pas la culture mais que personne ne s ‘affole : on prend sa tête pleine avec soi et on comprend très vite. Il y a de gros serveurs généralistes multilingues comme Zürich et des petits serveurs avec des intérêts spécifiques comme Appenzell Rhode Intérieur. Suffit d’utiliser les filtres manuels et de comprendre que c’est pas parce que tu t’établis à Moutier que tu ne pourras pas aller te balader au Tessin. Je m’arrête là pour l’analogie. Il faut choisir ton serveur mais ce choix n’a pas d’implications majeures sur ta vie puisqu’aucun ne va te dicter ta vie.

Je peux vous dire que c’est en faisant ce chemin sur Mastodon que j’ai réalisé le nombre de choix dont FB prétend nous soulager. En réalité il nous ampute de notre libre arbitre.

Et après ?
Une fois sur le serveur, il te présente dans un fil (que tu choisis d’aller voir) toutes les publications du serveur. De là tu choisis te t’abonner à celui-ci ou à celui-là. Et dans un autre fil tu auras la chance de ne suivre que tes abonnements. Si tu t’attarde une fois sur un chat mignon tu ne verras pas défiler 10 chats mignons droit derrière.

Alors j’ai bien sué pour en arriver là, mais une fois rendu dans ce havre de paix je respire.

Il ne reste plus qu’à apprendre l’usage plus affiné des haschtag que ce que j’en connais à ce jour mais ça viendra.

Petit conseil si tu débarques avec ton premier Pouf (c’est comme ça que s’appelle un post) tu mets autant de # que tu as d’intérêts dans la vie ou sur le moment et tu ajoutes #introduction et on viendra t’épauler dans tes premières démarches et tes premiers contacts.

Dès que j’ai su faire marcher mon compte, j’ai su que j’y trouverai ce que je suis venue y chercher. Du calme, des intérêts, des échanges et un peu plus d’humains.

Vous pouvez m’y trouver avec @apedibus et @QuandRienNeMarcheMarche!

Je respire et je peux partir à la recherche des thèmes que je veux à travers tout le pays avec des hachtags.

Oui ça m’a pris la tête mais ça m’a rendu mon libre arbitre.

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Chameau de Chamossaire !

Je dépose ma voiture au garage, je glisse la clé dans la boîte aux lettres et j’oublie mon téléphone à l’intérieur. Un petit stress avant de partir pour cette randonnée que je sais exigeante : un test, sans doute, plus qu’une simple balade. Le Chamossaire m’attend. Depuis Leysin, Place Large où je laisse ma voiture il va falloir affronter une grande descente vers le fond de la vallée, puis une remontée drastique jusqu’au sommet. Cinq heures quarante de marche prévues dans Suisse Mobile. J’ai déjà l’intuition qu’il m’en faudra un peu plus.

Je traverse le quartier des chalets, le soleil se lève, caresse les crêtes. L’air est vif. Les pâturages fauchés ras dégagent une odeur sucrée, légèrement astringente — celle des matins clairs de montagne. En face, le Pic Chaussy reste dans l’ombre. Je sors mon téléphone dans l’idée d’en saisir la fraîcheur quand le soleil jaillit de derrière le Pic et m’éblouit. Je ferme les yeux, je sens sa douceur sur mes paupières et un rouge intense se dessine sur ma rétine.

La petite route ensoleillée est encore goudronnée, mais bientôt je m’enfonce dans la pénombre de la forêt. Il est 7h50. Le soleil chatouille la crête du Chamossaire sans jamais la dépasser. Devant moi, la grande descente : 330 mètres sur 1,5 km, une pente raide, sans répit, presque verticale par endroits. J’ai de l’appréhension, mais aussi une confiance tranquille.

Dans mon dos surgissent en pleine lumière : les Tours d’Aï et la Berneuse, découpées sur un ciel bleu d’été. Pourtant un frisson intense me rappelle qu’on est en septembre. Mon regard s’attarde encore sur les Dents du Midi. Au-dessus de la plaine un ballon flotte comme suspendu et glissant vers le Léman.

Je m’appuie sur mes bâtons comme un handicapé sur ses béquilles, pas après pas, jusqu’au premier replat et son petit alpage. Delà j’aperçois Exergillod — le lieu de la fin de mon adolescence, le début de ma vie d’adulte, l’endroit où j’avais cru m’y installer pour toujours mais qui ne fût qu’un feu de paille comme toutes mes constructions. Puis je poursuis sur une pente un peu moins raide et par un chemin bien plus large jusqu’à la route du Col des Mosses que je traverse avec prudence car la circulation du matin y est très dense. Le Chamossaire se découpe dans un ciel devenu pâle, presque de pluie, tandis que le Mont d’Or se dore au soleil. Encore un dernier replat, et j’atteins la Tine de la Grande Eau, au fond de la vallée.

9h15. Le topo annonçait 30 minutes. J’en ai mis 1h20. La pente était vraiment raide et mes genoux tout comme ma cheville n’ont pas particulièrement apprécié l’exercice même si, je dois le reconnaître tout a super bien fonctionné. Le pont est magnifique, sauvage, étroit, plein d’histoire. C’est la deuxième fois cette année que je passe là. Je suis toujours émue dans ce genre d’endroit. Je ressens quelque chose de profond qui me relie aux humains qui m’ont précédés.

Je bois une gorgée, avale quelques fruits secs, resserre mon sac et entame la montée. Petit à petit, le paysage s’ouvre. Le Mont d’Or se déploie, imposant. Les Tours d’Aï brillent au soleil. Le Chamossaire se cache de mon regard. Loin de ma face, parce que dissimulé par la raideur de la pense je le sens non pas dans mon dos mais sur mes épaules.

Plus haut, je croise le bal des hélicoptères qui transportent du bois. Je suis maintenant à Exergillod et j’ai une vue large sur la pente raide d’en face que je viens de descendre et sur le petit pâturage traversé tout à l’heure qui me dévoilait ce hameau de mon passé. Je vois le chemin qui rejoint la dangereuse route à traverser.

La montée est longue, rude. Le soleil frappe. La chaleur monte, la fatigue aussi. Un peu. 11h30 Je sors du bois, trouve une table devant une étable et casse la croûte : houmous, cake salé maison et quelques amandes. Peut être un peu trop lourd à digérer pour tout ce qui m’attend encore.

Je reprends pleine d’espoir d’avancer avec plus de vigueur mais le pas est lourd et le souffle court. Je peine à trouver un rythme, c’est long et laborieux mais il commence à revenir gentiment.

C’était sans compter sur les aléas naturels. D’abord un champs pentus comme le Petit Chêne des Lausannois mais couvert de trous de pieds de vaches. De la boue en veux-tu en voilà. Je jongle de motte en motte, mes bâtons inutiles qui s’enfoncent jusqu’aux genoux. Je prends plus de 45 minutes pour franchir le coin qui aurait du m’en prendre 15. Je tente de reprendre le rythme quand je reçois un cadeau de la nature que je ne saurais refuser. Je pose le sac, tente de m’accrocher à la pente comme font les enfants en m’agrippant à l’herbe à pleine touffe et je cueille ainsi 3kg de champignons avant de reprendre le chemin. Mon sac s’est alourdit. Mon pas aussi.

Enfin, à 1 680 mètres, j’arrive à la Case aux Chèvres. L’endroit est magnifique : une cabane ouverte, du bois, un banc. Devant moi : la Riondaz, La Berneuse avec le Kouklos, les Tours d’Aï, de Mayen et de Famelon, et, un peu plus à droite, le Mont d’Or. Derrière moi, les rochers du Chamossaire ressemblent à des pyramides. C’est splendide. J’aimerais rester ici, dormir là.

Qu’est-ce qui presse finalement ? Pourquoi ne pas prendre une bonne heure de repos bien mérité avant de reprendre la route ? C’est alors que je me soucie de la première fois de l’heure du dernier train. Car en partant à 7h30 du matin pour faire ce qui devait être moins de 6heures de marche, je ne m’étais pas posée la question du retour à la maison.

Je vois alors que le dernier train part du Col de Bretaye à 17h55, et il est déjà bientôt 16h00. Certes la carte m’annonce qu’il ne reste que 300m de montée et que la gare se trouve à 45 minutes de marche de cette Case merveilleuse mais au rythme d’escargot qui me caractérise depuis midi qui double le temps promis par Suisse Mobile je ferai bien de ne pas trainer trop longtemps dans ce petit paradis.

Je refais mon sac, range les champignons, mange un peu. Je repars. A chaque pas je m’ébaubis du spectacle, tout est beau. La Pointe du Chamossaire me fait de l’oeil, mais il est trop tard pour faire cette dernière pente.

Je laisse dans mon dos les Tours d’Aï et je me confronte aux Muverans, Grand et Petit.

16h55, j’arrive au Roc d’Orsay, épuisée, puis je descends encore jusqu’à Bretaye. La vue est splendide, la lumière douce. Mais mes genoux et mes pieds protestent à chaque pas. 17h10, Col de Bretaye.

Au restaurant, je m’affale sur la table. Je ferme les yeux. J’ai des hallucinations : des lumières partout, ça clignote, ça danse. C’est dingue. Mais qu’est-ce que je suis contente.

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Clinique: comme une voiture de luxe !

Demain je vais faire enlever les derniers fils qui restent sur ma cheville encore un peu tuméfiée. Il y a deux semaines exactement, je me pointais crânement à la réception de la clinique avec mon sac. Je raconte ici mon arrivée à la clinique et toutes ses bizarreries.

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Vivre sans routine

Thème « vivre sans » de la Ligne de Coeur : la routine entre structure et ennui.

Toujours curieuse des discussions des grandes personnes que j’écoutais à leur insu, j’avais compris que la routine était l’ennemie du bonheur, qu’elle était ennuyeuse, fade et que pour les couples c’était un tue-l’amour. Dans les injonctions directes que je ne comprenais qu’à moitié, il était question de routines pour prendre le bon pli, de bonnes habitudes. Je me suis demandé pourquoi routines au pluriel étaient un bienfait et routine au singulier un tabou.

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Vivre sans Facebook

Thème « vivre sans » de la Ligne de Coeur

Je suis sur les réseaux depuis exactement 10 ans. En 10 ans j’y ai beaucoup appris, j’ai évolué vers plus d’ouverture d’esprit, plus de tolérance et j’ai accepté cette influence avec une certaine gratitude. Mais des doutes s’installent. Je partage ici les réflexions qui me poussent virer Facebook.

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